août 11, 2022

Air Creebec fête ses 40 ans

Jon Robinson

— Par Benjamin Powless, journaliste à l’Initiative de journalisme local, The Nation (Photo: Juke Schweizer)

Il y a quatre décennies, le premier ministre du Québec, René Lévesque, était sceptique à l’idée que les Cris dirigent leur propre compagnie aérienne, disant au regretté grand chef cri Billy Diamond que les compagnies aériennes desservaient déjà les communautés cries. Mais finalement, la province n’a pas eu son mot à dire : la Nation crie, utilisant les capitaux de la Convention de la Baie James et du Nord québécois (CBJNQ), a concrétisé le projet Air Creebec.

Aujourd’hui, la compagnie aérienne fête ses 40 ans. Tout a commencé par un partenariat avec l’entreprise familiale Austin Airways, dont les Cris possédaient 51 % des actions. En 1988, la Nation crie a racheté Austin Airways, et Air Creebec est depuis détenue à 100 % par des Cris.

Après la signature avec la CBJNQ en 1975, les Cris ont tenu une séance de planification sur la façon d’investir et de faire fructifier leur capital. « L’une des premières idées à faire surface a été la création d’une compagnie aérienne », indique le président actuel d’Air Creebec, Matthew Happyjack, insistant sur le fait que la plupart des communautés ne disposaient pas d’accès routier, et que le seul moyen de se rendre dans le sud était l’avion. Le chef Diamond connaissait la famille qui dirigeait Austin Airways, et il a négocié un accord avec elle. Le reste, comme on dit, appartient à l’histoire.

M. Happyjack soutient que le service aérien était un événement en soi avant que les routes ne relient la plupart des communautés. « Lorsque l’avion arrivait, tout le monde se rassemblait et le regardait », raconte-t-il. « Ils regardaient les gens monter à bord et partir. Même aujourd’hui, c’est toujours comme ça : les Anciens regardent toujours les avions arriver. »

La compagnie aérienne a fait ses débuts avec un Twin Otters, avant de passer à un Beechcraft 1900 (19 passagers) à turbopropulsion. Elle s’est ensuite tournée vers le Dash 8, pour finalement s’en constituer une flotte de 16 appareils, lesquels sont désormais utilisés pour tous ses services passagers.

« Ce sont des avions efficaces pour le Nord », fait valoir M. Happyjack, notant qu’ils s’accommodent des pistes plus courtes de cette région. La compagnie utilise également deux Hawker Siddeley HS 748 pour le fret.

Au début, Air Creebec exploitait un service strictement pour les passagers. Cependant, au cours des 25 dernières années, elle a diversifié son offre pour inclure le fret et les vols nolisés, en particulier pour les services médicaux et les sociétés minières. « Pendant la pandémie, la plupart de nos avions ont servi de navettes médicales », mentionne M. Happyjack.

Trois avions de la compagnie s’acquittent de rôles médicaux entre les communautés. Le hangar de Montréal – exploité à l’extérieur du terminal principal de Montréal – permet aux passagers d’éviter les longues files d’attente de sécurité à l’aéroport, ce qui, selon M. Happyjack, se révèle particulièrement utile pour les passagers médicaux.

Les 40 années de service ont démontré à la province les avantages que représente une compagnie aérienne appartenant à des Cris. Lors d’une récente présentation à un sommet sur l’aviation, M. Happyjack a déclaré que des représentants du gouvernement lui avaient dit qu’ils étaient heureux de voir Air Creebec prospérer, d’autant plus qu’elle dessert également des communautés non cries, notamment Val-d’Or, Rouyn-Noranda, Moosonee et Timmins.

Pour marquer cet anniversaire, M. Happyjack s’est joint à d’autres officiels pour visiter les communautés desservies par la compagnie aérienne (entre le 29 juin et le 7 juillet). « Nous étions là pour promouvoir les 40 ans d’Air Creebec et remercier les clients : les particuliers et les compagnies. Un goûter était servi, incluant un gâteau du 40e anniversaire. Un tirage au sort est aussi venu pimenter la fête », a fait remarquer M. Happyjack. Il estime qu’au moins 50 personnes étaient présentes à chacune des célébrations communautaires.

En ce qui concerne l’avenir d’Air Creebec, M. Happyjack est d’avis que la compagnie aérienne ira là où se trouve la demande, comme elle l’a toujours fait. « Les 15 premières années ont été davantage axées sur les passagers. Ensuite, des demandes pour des vols nolisés sont venues diversifier notre offre », explique M. Happyjack. Pour mieux répondre à la demande, nous avons acheté plus de Dash 8. Il est plus facile d’investir quand la demande est là. C’est également dans cette optique que le hangar à Montréal fut construit. »

Comme toutes les compagnies aériennes, Air Creebec a été durement touchée par la pandémie. La compagnie estime que cinq ans seront probablement nécessaires pour revenir au niveau de 2019. Néanmoins, M. Happyjack demeure optimiste, soulignant que la compagnie aérienne accueille à son bord davantage de passagers chaque mois. L’entreprise espère revenir bientôt à son offre de service six jours par semaine. Tout dépendra de la demande.