janvier 6, 2022
L’aéroport de Mirabel cherche-t-il à évincer les écoles de pilotage de ses installations ?
Jon Robinson
― Par Marc-André Théorêt (Photo : Yvan Leduc)
L’activité aéronautique générée par l’aviation générale ne doit pas être sous-estimée, mais utilisée pour faire rayonner les installations et attirer de nouvelles pousses en aviation.
Nous connaissons tous l’histoire tumultueuse, s’il en est une, de l’aéroport de Mirabel. Planifié pour devenir l’un de plus grands aéroports au monde à la fin des années soixante, il fut mis en service dans sa phase initiale en 1975 et demeura finalement en opération jusqu’en 2004.
Depuis sa fermeture au trafic commercial, il fut surtout utilisé par les transporteurs cargo et quelques entreprises aéronautiques comme Bombardier, Pratt&Withney, Nolinor etc. Il est administré conjointement avec l’aéroport Trudeau par une OSBL nommée ADM (Société des Aéroports de Montréal) depuis 1992.
L’aéroport fut depuis son ouverture toujours réceptif aux mouvements de l’aviation générale, permettant par exemple les posés décollés des avions à pistons ainsi que l’utilisation de ses pistes pour les pratiques d’approches aux instruments. En 2007, un FBO fut même aménagé par des intérêts privés dans l’optique d’attirer le trafic des jets d’affaires et autres avions privés recherchant une alternative aux FBO installés à l’aéroport Trudeau.
En 2011, l’administration d’ADM se montra toutefois réceptive à un projet de création d’aéroparc visant l’aviation générale; ainsi furent aménagés depuis, vingt hangars, construits par la société Mirajet. Ces nouvelles infrastructures, représentant aujourd’hui des investissements privés de plus de dix millions de dollars incita deux écoles de pilotages à s’y installer en 2016.
C’est ainsi que Cargair et l’Académie aéronautique prirent racine en cet endroit idéal pour la formation des futurs pilotes de ligne. Quoi demander de mieux, un aéroport sous-utilisé disposant de pistes immenses dans un environnement loin des secteurs urbains, à savoir là où le bruit des moteurs d’affecterait personne.
La demande des élèves visant la relève aéronautique fut conséquente et les mouvements d’avions amplifièrent de façon importante, passant de 24,000 annuellement en 2008 à plus de 80,000 en 2019. Conséquemment, NavCanada décida de remettre en fonction en janvier 2020 la tour de contrôle qui était fermée depuis 2008. C’est dire que l’effervescence générée par l’aviation générale insuffla suffisamment d’intérêt pour que l’aéroport se remette en piste…
Les écoles installées à Mirabel offrent donc ce qu’il y a de mieux comme programme de formation, considérant la qualité des installations, le peu de temps passé au sol en raison du trafic relativement minime, la présence d’une tour de contrôle pour favoriser l’apprentissage des communications radio et évidemment, un environnement des plus sécuritaires en raison de l’espacement permis par les longs circuits.
Jusqu’à tout récemment, ADM facturait pour l’usage de ses installations des frais de 10,55$ le mille kilos de masse au décollage pour les avions autres qu’à pistons, avec un minimum de 63.21 $ par atterrissage et 20,32 $ pour les avions à pistons, avec toutefois la possibilité d’obtenir une abonnement annuel au montant de 524.96 $ par avion. Bien que ces tarifs s’avéraient supérieurs à ceux de l’industrie, ailleurs au Canada comme aux États-Unis, ils étaient jugés acceptables par les utilisateurs.
Toutefois, en janvier dernier, prétextant un manque à gagner en raison de la COVID, ADM décréta une augmentation importante de ces frais, les faisant passer à 12,40 $ le mille kilos pour les réactés et turbopropulseurs et à 64.79 $ pour les avions à pistons (soit le même prix que pour un réacté de 5,000 kilos…), et de plus, concernant ces derniers, une abolition du forfait annuel. Conséquence directe de cette hausse, les écoles virent leurs frais d’opération augmenter du tout au tout, soit d’environ 40,000.00 $ par avion annuellement, soit une majoration impossible à refiler aux élèves pilotes.
Interrogé relativement à l’argument COVID à l’appui de cette augmentation stratosphérique, l’administration d’ADM répondit que faute de subsides de Transports Canada, l’organisation ne pouvait faire autrement que de taxer les utilisateurs, une décision purement comptable fut-il souligné… Interrogé à nouveau par le soussigné au printemps dernier, la direction invoqua l’usure des pistes causée par les mouvements des avions à pistons, avant de fournir plus récemment une autre réponse à l’effet que les mouvements des petits avions augmentaient les risques d’accidents aux abords de l’aéroport…, brefs toutes des excuses non documentées.
Il nous apparait évident que pareilles réponses ne tiennent pas la route et ce qui nous fait penser qu’en réalité, ADM cherche à évincer l’aviation générale de ses installations. ADM considère l’aéroport de Mirabel comme un aéroport industriel, terminologie inconnue dans le domaine de l’aviation. Mirabel gère évidemment une masse de cargo qui progresse mais ne doit pas se confiner à ce seul rôle. L’activité aéronautique générée par l’aviation générale ne doit pas être sous-estimée, mais utilisée pour faire rayonner ses installations et attirer des développeurs et de nouvelles pousses en aviation.
Il faut une vision pour ce faire, mais il semblerait qu’avoir une vision pour Mirabel n’est pas une priorité pour les administrateurs actuels d’ADM.